Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/229

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Héraclius

Toi que de Pulchérie elle a fait amoureux,
Juge sous les deux noms ton dessein et tes feux.
Elle a rendu pour toi l’un et l’autre funeste,
Martian parricide, Héraclius inceste,
Et n’eût pas eu pour moi d’horreur d’un grand forfait,
Puisque dans ta personne elle en pressait l’effet.
Mais elle m’empêchait de hasarder ma tête,
Espérant par ton bras me livrer ma conquête.
Ce favorable aveu, dont elle t’a séduit,
T’exposait aux périls pour m’en donner le fruit,
Et c’était ton succès qu’attendait sa prudence,
Pour découvrir au peuple ou cacher ma naissance.

Phocas

Hélas ! Je ne puis voir qui des deux est mon fils,
Et je vois que tous deux ils sont mes ennemis.
En ce piteux état, quel conseil dois-je suivre ?
J’ai craint un ennemi, mon bonheur me le livre ;
Je sais que de mes mains il ne se peut sauver,
Je sais que je le vois, et ne puis le trouver.
La nature tremblante, incertaine, étonnée,
D’un nuage confus couvre sa destinée.
L’assassin sous cette ombre échappe à ma rigueur,
Et, présent à mes yeux, il se cache en mon cœur.
Martian ! À ce nom aucun ne veut répondre,
Et l’amour paternel ne sert qu’à me confondre.
Trop d’un Héraclius en mes mains est remis ;
Je tiens mon ennemi, mais je n’ai plus de fils.
Que veux-tu donc, nature, et que prétends-tu faire ?
Si je n’ai plus de fils, puis-je encore être père ?