Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/239

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Sous ces noms précieux je cours m’ensevelir,
Et m’étonne si peu que je l’en fais pâlir.
Mais il me traite en père, il me flatte, il m’embrasse,
Je n’en puis arracher une seule menace,
J’ai beau faire et beau dire afin de l’irriter,
Il m’écoute si peu qu’il me force à douter.
Malgré moi comme fils toujours il me regarde:
Au lieu d’être en prison, je n’ai pas même un garde ;
Je ne sais qui je suis, et crains de le savoir ;
Je veux ce que je dois, et cherche mon devoir ;
Je crains de le haïr, si j’en tiens la naissance;
Je le plains de m’aimer, si je m’en dois vengeance,
Et mon cœur, indigné d’une telle amitié,
En frémit de colère, et tremble de pitié.
De tous ses mouvements mon esprit se défie:
Il condamne aussitôt tout ce qu’il justifie.
La colère, l’amour, la haine et le respect,
Ne me présentent rien qui ne me soit suspect;
Je crains tout, je fuis tout, et, dans cette aventure,
Des deux côtés en vain j’écoute la nature.
Secourez donc un frère en ces perplexités.

Pulchérie

Ah ! Vous ne l’êtes point, puisque vous en doutez.
Celui qui, comme vous, prétend à cette gloire,
D’un courage plus ferme en croit ce qu’il doit croire.
Comme vous on le flatte : il y sait résister ;
Rien ne le touche assez pour le faire douter,
Et le sang, par un double et secret artifice,
Parle en vous pour Phocas, comme en lui pour Maurice.

Héraclius

À ces marques en lui connaissez Martian :
Il a le cœur plus dur étant fils d’un tyran.
La générosité suit la belle naissance,
La pitié l’accompagne et la reconnaissance.