Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/462

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Que partager son âme est le plus grand des crimes.
Un cœur n’est à personne alors qu’il est à deux ;
Aussitôt qu’il les offre il dérobe ses vœux ;
Ce qu’il a de constance, à choisir trop timide,
Le rend vers l’une ou l’autre incessamment perfide ;
Et comme il n’est enfin ni rigueurs, ni mépris
Qui d’un pareil amour ne soient un digne prix,
Il ne peut mériter d’aucun œil qui le charme,
En servant, un regard ; en mourant, une larme.

CARLOS

Vous seriez bien sévère envers un tel amant.

DONA ELVIRE

Allons voir si la reine agirait autrement,
S’il en devrait attendre un plus léger supplice.
Cependant Dom Alvar le premier entre en lice ;
Et vous savez l’amour qu’il m’a toujours fait voir.

CARLOS

Je sais combien sur lui vous avez de pouvoir.

DONA ELVIRE

Quand vous le combattrez, pensez à ce que j’aime,
Et ménagez son sang comme le vôtre même.

CARLOS

Quoi ? M’ordonneriez-vous qu’ici j’en fisse un roi ?

DONA ELVIRE

Je vous dis seulement que vous pensiez à moi.

ACTE III



Scène 1