Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/476

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Et fait à mes amants ces défis généreux,
Non pas pour m’acquérir, mais pour se venger d’eux.
Je l’ai donc agrandi pour le voir disparaître,
Et qu’une reine, ingrate à l’égal de ce traître,
M’enlève, après vingt ans de refuge en ces lieux,
Ce qu’avait mon état de plus doux à mes yeux !
Non, j’ai pris trop de soin de conserver sa vie.
Qu’il combatte, qu’il meure, et j’en serai ravie.
Je saurai par sa mort à quels vœux m’engager,
Et j’aimerai des trois qui m’en saura venger.


BLANCHE

Que vous peut offenser sa flamme ou sa retraite,
Puisque vous n’aspirez qu’à vous en voir défaite ?
Je ne sais pas s’il aime ou Dona Elvire ou vous,
Mais je ne comprends point ce mouvement jaloux.

DONA ISABELLE

Tu ne le comprends point ! Et c’est ce qui m’étonne :
Je veux donner son cœur, non que son cœur le donne ;
Je veux que son respect l’empêche de m’aimer,
Non des flammes qu’une autre a su mieux allumer ;
Je veux bien plus : qu’il m’aime, et qu’un juste silence
fasse à des feux pareils pareille violence ;
Que l’inégalité lui donne même ennui ;
Qu’il souffre autant pour moi que je souffre pour lui ;
Que par le seul dessein d’affermir sa fortune,
Et non point par amour, il se donne à quelqu’une ;
Que par mon ordre seul il s’y laisse obliger ;
Que ce soit m’obéir, et non me négliger ;
Et que voyant ma flamme à l’honorer trop prompte,
Il m’ôte de péril sans me faire de honte.