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ACTE IV



Scène 1



DOM MANRIQUE

Quoique l’espoir d’un trône et l’amour d’une reine
Soient des biens que jamais on ne céda sans peine,
Quoiqu’à l’un de nous deux elle ait promis sa foi,
Nous cessons de prétendre où nous voyons un roi.
Dans notre ambition nous savons nous connaître ;
Et bénissant le ciel qui nous donne un tel maître,
Ce prince qu’il vous rend après tant de travaux
Trouve en nous des sujets et non pas des rivaux :
Heureux si l’Aragon, joint avec la Castille,
Du sang de deux grands rois ne fait qu’une famille !
Nous vous en conjurons, loin d’en être jaloux,
Comme étant l’un et l’autre à l’état plus qu’à nous ;
Et tous impatients d’en voir la force unie
Des Mores, nos voisins, dompter la tyrannie,
Nous renonçons sans honte à ce choix glorieux,
Qui d’une grande reine abaissait trop les yeux.

DONA LÉONOR

La générosité de votre déférence,
Comtes, flatte trop tôt ma nouvelle espérance :
D’un avis si douteux j’attends fort peu de fruit ;
Et ce grand bruit enfin peut-être n’est qu’un bruit.