Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/486

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Que soutiennent en l’air quelques exploits de guerre,
Et qu’un coup d’œil sur moi rabat soudain à terre !
Je ne suis point Dom Sanche, et connais mes parents ;
Ce bruit me donne en vain un nom que je vous rends ;
gardez-le pour ce prince : une heure ou deux peut-être
Avec vos députés vous le feront connaître.
Laissez-moi cependant à cette obscurité
Qui ne fait que justice à ma témérité.

DONA LÉONOR

En vain donc je me flatte, et ce que j’aime à croire
N’est qu’une illusion que me fait votre gloire ?
Mon cœur vous en dédit : un secret mouvement,
Qui le penche vers vous, malgré moi vous dément ;
Mais je ne puis juger quelle source l’anime,
Si c’est l’ardeur du sang, ou l’effort de l’estime ;
Si la nature agit, ou si c’est le désir ;
Si c’est vous reconnaître, ou si c’est vous choisir.
Je veux bien toutefois étouffer ce murmure
Comme de vos vertus une aimable imposture,
Condamner, pour vous plaire, un bruit qui m’est si doux ;
Mais où sera mon fils s’il ne vit point en vous ?
On veut qu’il soit ici ; je n’en vois aucun signe :
On connaît, hormis vous, quiconque en serait digne ;
Et le vrai sang des rois, sous le sort abattu,
Peut cacher sa naissance et non pas sa vertu :
Il porte sur le front un luisant caractère
Qui parle malgré lui de tout ce qu’il veut taire ;
Et celui que le ciel sur le vôtre avait mis
Pouvait seul m’éblouir, si vous l’eussiez permis.
Vous ne l’êtes donc point, puisque vous me le dites ;
Mais vous êtes à craindre avec tant de mérites.
Souffrez que j’en demeure à cette obscurité.
Je ne condamne point votre témérité ;
Mon estime, au contraire, est pour vous si puissante,