Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/491

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Ayant devant les yeux un prince qui l’égale ;
Et puisque le saint nœud qui le fait votre époux
Arrête comme sœur Dona Elvire avec vous,
Que je ne puis la voir sans voir ce qui me tue,
Permettez que j’évite une fatale vue,
Et que je porte ailleurs les criminels soupirs
D’un reste malheureux de tant de déplaisirs.

DONA ISABELLE

Vous m’en dites assez pour mériter ma haine,
Si je laissais agir les sentiments de reine ;
Par un trouble secret je les sens confondus ;
Partez, je le consens, et ne les troublez plus.
Mais non : pour fuir Dom Sanche, attendez qu’on le voie ;
Ce bruit peut être faux, et me rendre ma joie.
Que dis-je ? Allez, marquis, j’y consens de nouveau ;
Mais avant que partir donnez-lui mon anneau ;
Si ce n’est toutefois une faveur trop grande
Que pour tant de faveurs une reine demande.

CARLOS

Vous voulez que je meure, et je dois obéir,
Dût cette obéissance à mon sort me trahir :
Je recevrai pour grâce un si juste supplice,
S’il en rompt la menace et prévient la malice,
Et souffre que Carlos, en donnant cet anneau,
Emporte ce faux nom et sa gloire au tombeau.
C’est l’unique bonheur où ce coupable aspire.

DONA ISABELLE

Que n’êtes-vous Dom Sanche ! Ah ciel ! Qu’osai-je dire ?
Adieu : ne croyez pas ce soupir indiscret.

CARLOS

Il m’en a dit assez pour mourir sans regret.