Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/501

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De quoi faire bientôt tout l’heur d’un souverain ;
Sanche enfin, malgré lui, dedans cette province,
Quoique fils d’un pêcheur, a passé pour un prince.
Voilà ce qu’a pu faire et qu’a fait à vos yeux
Un cœur que ravalait le nom de ses aïeux.
La gloire qui m’en reste après cette disgrâce
éclate encore assez pour honorer ma race,
Et paraîtra plus grande à qui comprendra bien
Qu’à l’exemple du ciel j’ai fait beaucoup de rien.

DOM LOPE

Cette noble fierté désavoue un tel père,
Et par un témoignage à soi-même contraire,
Obscurcit de nouveau ce qu’on voit éclairci.
Non, le fils d’un pêcheur ne parle point ainsi,
Et son âme paraît si dignement formée,
Que j’en crois plus que lui l’erreur que j’ai semée.
Je le soutiens, Carlos, vous n’êtes point son fils :
La justice du ciel ne peut l’avoir permis ;
Les tendresses du sang vous font une imposture,
Et je démens pour vous la voix de la nature.
Ne vous repentez point de tant de dignités
Dont il vous plut orner ses rares qualités :
Jamais plus digne main ne fit plus digne ouvrage,
Madame ; il les relève avec ce grand courage ;
Et vous ne leur pouviez trouver plus haut appui,
Puisque même le sort est au-dessous de lui.

DONA ISABELLE

La générosité qu’en tous les trois j’admire
Me met en un état de n’avoir que leur dire,
Et dans la nouveauté de ces événements,
Par un illustre effort prévient mes sentiments.
Ils paraîtront en vain, comtes, s’ils vous excitent
À lui rendre l’honneur que ses hauts faits méritent,
Et ne dédaigner pas l’illustre et rare objet