Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/527

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Puisque Flaminius obsède encor le roi.
Si de son arrivée Annibal fut la cause,
Lui mort, ce long séjour prétend quelque autre chose ;
Et je ne vois que vous qui le puisse arrêter,
Pour aider à mon frère à vous persécuter.

Laodice. Je ne veux point douter que sa vertu romaine
N’embrasse avec chaleur l’intérêt de la reine :
Annibal, qu’elle vient de lui sacrifier,
L’engage en sa querelle, et m’en fait défier.
Mais, seigneur, jusqu’ici j’aurais tort de m’en plaindre ;
Et, quoi qu’il entreprenne, avez-vous lieu de craindre ?
Ma gloire et mon amour peuvent bien peu sur moi,
S’il faut votre présence à soutenir ma foi,
Et si je puis tomber en cette frénésie
De préférer Attale au vainqueur de l’Asie ;
Attale, qu’en otage ont nourri les Romains,
Ou plutôt qu’en esclave ont façonné leurs mains,
Sans lui rien mettre au cœur qu’un » crainte servile
Qui tremble à voir une aigle et respecte un édile !

Nicomède. Plutôt, plutôt la mort, que mon esprit jaloux
Forme des sentiments si peu dignes de vous.
Je crains la violence, et non votre faiblesse ;
Et si Rome une fois contre nous s’intéresse…

Laodice. Je suis reine, seigneur ; et Rome a beau tonner,
Elle ni votre roi n’ont rien à m’ordonner :
Si de mes jeunes ans il est dépositaire,
C’est pour exécuter les ordres de mon père :
Il m’a donnée à vous, et nul autre que moi