Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Montrez cent mille bras tout prêts à me venger.
Parlez la force en main, et hors de leur atteinte :
S’ils vous tiennent ici, tout est pour eux sans crainte ;
Et ne vous flattez point, ni sur votre grand cœur,
Ni sur l’éclat d’un nom cent et cent fois vainqueur :
Quelque haute valeur que puisse être la vôtre,
Vous n’avez en ces lieux que deux bras comme un autre ;
Et fussiez-vous du monde et l’amour et l’effroi,
Quiconque entre au palais porte sa tête au roi.
Je vous le dis encor, retournez à l’armée,
Ne montrez à la cour que votre renommée ;
Assurez votre sort pour assurer le mien ;
Faites que l’on vous craigne, et je ne craindrai rien.

Nicomède. Retourner à l’armée ! ah ! sachez que la reine
La sème d’assassins achetés par sa haine ;
Deux s’y sont découverts, que j’amène avec moi
Afin de la convaincre et détromper le roi.
Quoiqu’il soit son époux, il est encor mon père ;
Et quand il forcera la nature à se taire,
Trois sceptres à son trône attachés par mon bras
Parleront au lieu d’elle, et ne se tairont pas.
Que si notre fortune à ma perte animée
La prépare à la cour aussi bien qu’à l’armée,
Dans ce péril égal qui me suit en tous lieux,
M’envierez-vous l’honneur de mourir à vos yeux ?

Laodice. Non ; je ne vous dis plus désormais que je tremble,
Mais que, s’il faut périr, nous périrons ensemble.
Armons-nous de courage, et nous ferons trembler
Ceux dont les lâchetés pensent nous accabler.
Le peuple ici vous aime et hait ces cœurs infâmes ;