Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/531

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Vous l’estimez trop peu pour le vouloir garder.

Laodice. Je vous estime trop pour vouloir rien farder :
Votre rang et le mien ne sauraient le permettre.
Pour garder votre cœur je n’ai pas où le mettre ;
La place est occupée : et je vous l’ai tant dit,
Prince, que ce discours vous dût être interdit.
On le souffre d’abord, mais la suite importune.

Attale. Que celui qui l’occupe a de bonne fortune !
Et que serait heureux qui pourrait aujourd’hui
Disputer cette place, et l’emporter sur lui !

Nicomède. La place à l’emporter coûterait bien des têtes,
Seigneur : ce conquérant garde bien ses conquêtes ;
Et l’on ignore encor parmi ses ennemis
L’art de reprendre un fort qu’une fois il a pris.

Attale. Celui-ci toutefois peut s’attaquer de sorte
Que, tout vaillant qu’il est, il faudra qu’il en sorte.

Laodice. Vous pourriez vous méprendre.

Attale. Et si le roi le veut ?

Laodice. Le roi, juste et prudent, ne veut que ce qu’il peut.

Attale. Et que ne peut ici la grandeur souveraine ?

Laodice. Ne parlez pas si haut : s’il est roi, je suis reine ;