Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/556

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Certes, je vous croyais un peu plus généreux.
Quand les Romains le sont, ils ne font rien pour eux.
Scipion, dont tantôt vous vantiez le courage,
Ne voulait point régner sur les murs de Carthage ;
Et de tout ce qu’il fit pour l’empire romain
Il n’en eut que la gloire et le nom d’Africain.
Mais on ne voit qu’à Rome une vertu si pure ;
Le reste de la terre est d’une autre nature.
Quant aux raisons d’Etat qui vous font concevoir
Que nous craignions en vous l’union du pouvoir ;
Si vous en consultiez des têtes bien sensées,
Elles vous déferaient de ces belles pensées.
Par respect pour le roi je ne dis rien de plus.
Prenez quelque loisir de rêver là-dessus.
Laissez moins de fumée à vos feux militaires,
Et vous pourrez avoir des visions plus claires.

Nicomède. Le temps pourra donner quelque décision
Si la pensée est belle, ou si c’est vision.
Cependant…

Flaminius. Cependant si vous trouvez des charmes
A pousser plus avant la gloire de vos armes,
Nous ne la bornons point ; mais comme il est permis,
Contre qui que ce soit, de servir ses amis,
Si vous ne le savez, je veux bien vous l’apprendre,
Et vous en donne avis pour ne vous pas surprendre.
Au reste, soyez sûr que vous posséderez
Tout ce qu’en votre cœur déjà vous dévorez :
Le Pont sera pour vous, avec la Galatie,
Avec la Cappadoce, avec la Bithynie.