Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/560

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Entreprendre sur vous et dedans votre État
Sur votre autorité commettre un attentat.
Je la refuse donc, seigneur, et me dénie
L’honneur qui ne m’est dû que dans mon Arménie.
C’est là que sur mon trône avec plus de splendeur
Je puis honorer Rome en son ambassadeur,
Faire réponse en reine, et comme le mérite,
Et de qui l’on me parie, et qui m’en sollicite.
Ici c’est un métier que je n’entends pas bien,
Car hors de l’Arménie enfin je ne suis rien :
Et ce grand nom de reine ailleurs ne m’autorise
Qu’à n’y voir point de trône à qui je sois soumise,
A vivre indépendante, et n’avoir en tous lieux
Pour souverains que moi, la raison et les dieux.

Prusias. Ces dieux vos souverains, et le roi votre père,
De leur pouvoir sur vous m’ont fait dépositaire ;
Et vous pourrez peut-être apprendre une autre fois
Ce que c’est en tous lieux que la raison des rois.
Pour en faire l’épreuve allons en Arménie :
Je vais vous y remettre en bonne compagnie.
Partons, et dès demain, puisque vous le voulez :
Préparez-vous à voir vos pays désolés ;
Préparez-vous à voir par toute votre terre
Ce qu’ont de plus affreux les fureurs de la guerre,
Des montagnes de morts, des rivières de sang.

Laodice. Je perdrai mes Etats et garderai mon rang ;
Et ces vastes malheurs où mon orgueil me jette
Me feront votre esclave, et non votre sujette :