Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/574

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Si je suis son rival, je suis aussi son frère :
Nous ne sommes qu’un sang ; et ce sang, dans mon cœur,
A peine à le passer pour calomniateur.

Arsinoé. Et vous en avez moins à me croire assassine,
Moi, dont la perte est sûre à moins que sa ruine ?

Attale. Si contre lui j’ai peine à croire ces témoins,
Quand ils vous accusaient je les croyais bien moins.
Votre vertu, madame, est au-dessus du crime :
Souffrez donc que pour lui je garde un peu d’estime.
La sienne dans la cour lui fait mille jaloux,
Dont quelqu’un a voulu le perdre auprès de vous ;
Et ce lâche attentat n’est qu’un trait de l’envie
Qui s’efforce à noircir une si belle vie.
Pour moi, si par soi-même on peut juger d’autrui,
Ce que je sens en moi, je le présume en lui.
Contre un si grand rival j’agis à force ouverte,
Sans blesser son honneur, sans pratiquer sa perte ;
J’emprunte du secours, et le fais hautement :
Je crois qu’il n’agit pas moins généreusement,
Qu’il n’a que les desseins où sa gloire l’invite,
Et n’oppose à mes vœux que son propre mérite.

Arsinoé. Vous êtes peu du monde, et savez mal la cour.

Attale. Est-ce autrement qu’en prince on doit traiter l’amour ?

Arsinoé. Vous le traitez, mon fils, et parlez en jeune homme.

Attale.