Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/601

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N’appréhendez-vous point que tous vos domestiques
Ne soient déjà gagnés par mes sourdes pratiques ?
En savez-vous quelqu’un si prêt à se trahir,
Si las de voir le jour, que de vous obéir ?
Je ne veux point régner sur votre Bithynie :
Ouvrez-moi seulement les chemins d’Arménie ;
Et pour voir tout d’un coup vos malheurs terminés,
Rendez-moi cet époux qu’en vain vous retenez.

Arsinoé. Sur le chemin de Rome il vous faut l’aller prendre ;
Flaminius l’y mène, et pourra vous le rendre :
Mais hâtez-vous, de grâce, et faites bien ramer,
Car déjà sa galère a pris le large en mer.

Laodice. Ah ! si je le croyais…

Arsinoé.. N’en doutez point, madame.

Laodice. Fuyez donc les fureurs qui saisissent mon âme :
Après le coup fatal de cette indignité,
Je n’ai plus ni respect ni générosité.
Mais plutôt demeurez pour me servir d’otage
Jusqu’à ce que ma main de ses fers le dégage.
J’irai jusque dans Rome en briser les liens,
Avec tous vos sujets, avecque tous les miens ;
Aussi bien Annibal nommait une folie
De présumer la vaincre ailleurs qu’en Italie.
Je veux qu’elle me voie au cœur de ses Etats
Soutenir ma fureur d’un million de bras,