Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

BÉRÉNICE.

La raison me la fait malgré vous, malgré moi[1].
Si je vous en croyois, si je voulois m’en croire,
Nous pourrions vivre heureux, mais avec moins de gloire.
Épousez Domitie : il ne m’importe plus
1730Qui vous enrichissiez d’un si noble refus[2].
C’est à force d’amour que je m’arrache au vôtre ;
Et je serois à vous, si j’aimois comme une autre[3].
Adieu, Seigneur : je pars.

TITE.

Adieu, Seigneur : je pars.Ah ! Madame, arrêtez.

DOMITIAN.

Est-ce là donc pour moi l’effet de vos bontés,
1735Madame ? Est-ce le prix de vous avoir servie ?
J’assure votre gloire, et vous m’ôtez la vie.

TITE.

Ne vous alarmez point : quoi que la Reine ait dit,
Domitie est à vous, si j’ai quelque crédit.
Madame, en ce refus un tel amour éclate,
1740Que j’aurois pour vous l’âme au dernier point ingrate,
Et mériterois mal ce qu’on a fait pour moi,
Si je portois ailleurs la main que je vous doi.
Tout est à vous : l’amour, l’honneur, Rome l’ordonne.
Un si noble refus n’enrichira personne,
1745J’en jure par l’espoir qui nous fut le plus doux :
Tout est à vous, Madame, et ne sera qu’à vous ;
Et ce que mon amour doit à l’excès du vôtre
Ne deviendra jamais le partage d’une autre[4].

BÉRÉNICE.

Le mien vous auroit fait déjà ces beaux serments,

  1. Voyez ci-dessus la Notice, p. 195.
  2. Voyez plus haut, p. 240, vers 971-974.
  3. Ici, comme au vers 306 et comme plus bas au vers 1748, on lit « un autre » dans l’édition de 1682. — Voyez tome I, p. 228, note 3-a.
  4. Voyez la note précédente.