Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/537

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Cependant fais-moi grâce, et ne t’offense pas
si dans le vrai chemin je fais quelques faux pas,
si quelquefois de toi mon oraison s’égare,
si quelque illusion malgré moi m’en sépare ;
car enfin, je l’avoue à ma confusion,
je ne cède que trop à cette illusion :
l’ombre d’un faux plaisir follement retracée
s’empare à tous moments de toute ma pensée ;
je ne suis pas toujours où se trouve mon corps ;
souvent j’occupe un lieu dont mon cœur est dehors ;
et mon extravagance emportant l’infidèle,
je suis bien loin de moi quand il est avec elle.

L’homme, sans y penser, pense à ce qu’il chérit,
ainsi que l’œil de soi tourne à ce qui lui rit.
Ce qu’aime la nature ou qui plaît par l’usage,
c’est ce qui le plus tôt nous offre son image,
et l’offre rarement, que notre esprit touché
ne s’attache sans peine où le cœur est penché.

Aussi ta bouche même a bien voulu me dire
qu’où je mets mon trésor, là mon âme respire :
si je le mets au ciel, il m’est doux d’y penser ;
si je le mets au monde, il m’y sait rabaisser ;