Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

56 DISCOURS

celui d'abominable'; a quoi j'ajoute qu'un tel succès excite plus d'indignation et de haine contre celui qui fait souf- frir, que de pitié pour celui qui souffre, et qu'ainsi ce sentiment, qui n'est pas le propre de la tragédie, à moins que d'être bien ménagé, peut étouffer celui qu'elle doit produire, et laisser l'auditeur mécontent par la colère qu'il remporte, et qui se mêle à la compassion, qui lui plairoil s'il la remportoit seule.

Il ne veut pas non plus qu'un méchant homme passe du malheur à la félicité, parce que non-seulement il ne peut naître d'un tel succès aucune pitié, ni crainte, mais il ne peut pas même nous toucher par ce sentiment na- turel de joie dont nous remplit la prospérité d'un premier acteur, à qui notre faveur s'attache"^. La chute d'un mé- chant dans le malheur a de quoi nous plaire par l'aver- sion que nous prenons pour lui ; mais comme ce n'est qu'une juste punition, elle ne nous fait point de pitié, et ne nous imprime aucune crainte, d'autant que nous ne Sommes pas si méchants que lui, pour être capables de ses crimes, et en appréhender une aussi funeste issue.

Il reste donc à trouver un milieu entre ces deux extré- mités, parle choix d'un homme qui ne soit ni tout à fait bon, ni tout à fait méchant, et qui, par une faute, ou foiblesse humaine, tombe dans im malheur qu'il ne mé- rite pas. Aristote en donne pour exemples Œdipe et Thyeste, en quoi véritablement je ne comprends point sa pensée. Le premier me semble ne faire aucune faute, bien qu'il lue son père, parce qu'il ne le connoît pas, et qu'il ne fait que disputer le chemin en homme de cœur

I. La traduction de Corneille (Iniit à fait injuste) est trop faible on effet. Le vrai sens est : « chose scélérate, abominable, odieuse. »

3. ( Jjte toÙ; [jio-/Or)poù; s'Ç àiu/t'a; Et; euTU/tav • àxpaYwôoTaTOv yàp

TOJTO ÈdTl TcâvTWV ' 0Ù5Èv Y*P ï'/et WV SeÏ • OÙ'tE yip ipiXâvOpwTCOV O'JTE

DeeivÔv oSte cpooEpcJv ÈdTt. (Aflstote, Poeiif^uc. cliap. xiii, 2.)

�� �