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DE LA TRAGEDIE. 79

la même incrédulité quand on la hasarde aux yeux du spectateur :

Qasecumque ostendis mihi sic, incredulus odi^.

Je passe plus outre, et pour exténuer ou retrancher cette horreur dangereuse d'une action historique, je vou- drois la faire arriver sans la participation du premier ac- teur, pour qui nous devons toujours ménager la faveur de l'auditoire. Après que Cléopatre eut tué Séleucus, elle présenta du poison à son autre fils Antiochus, à son re- tour de la chasse ; et ce prince, soupçonnant ce qu'il- en étoit, la contraignit de le prendre, et la força à s'empoi- sonner. Si j'eusse fait voir cette action sans y rien chan- ger, c'eût été punir un parricide par un autre parricide ; on eût pris aversion pour Antiochus, et il a été bien plus doux de faire qu'elle-même, voyant que sa haine et sa noire perfidie alloient être découvertes, s'empoisonne dans son désespoir, à dessein d'envelopper ces deux amants dans sa perte, en leur ôtant tout sujet de dé- fiance. Gela fait deux effets. La punition de cette impi- toyable mère laisse un plus fort exemple, puisqu'elle devient un effet de la justice du ciel, et non pas de la vengeance des hommes ; d'autre côté, Antiochus ne perd rien de la compassion et de l'amitié qu'on avoit pour lui, qui redoublent plutôt qu'elles ne diminuent ; et enfin laction historique s'y trouve conservée malgré ce chan- gement, puisque Cléopatre périt par le même poison qu'elle présente à Antiochus.

Phocas étoit un tyran, et sa mort n'étoit pas un crime; cependant il a été sans doute plus à propos de la faire arriver par la main d'Exupère que par celle d'Héraclius.

��1. Quodcumque. . . . (Horace, Art poétique, v. 188.)

2. V\R. (édit. de 1660-1668); ce qui.

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