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88 DISCOURS

flexion sur les actions qui composent la tragédie, et trouve que nous pouvons y en faire entrer de trois sortes, selon que nous le jugeons à propos : les unes suivent l'histoire, les autres ajoutent à l'histoire, les troisièmes falsifient l'histoire. Les premières sont vraies, les secondes quel- quefois vraisemblables et quelquefois nécessaires, et les dernières doivent toujours être nécessaires.

Lorsqu'elles sont vraies, il ne faut point se mettre en peine de la vraisemblance, elles n'ont pas besoin de son secours. Tout ce qui s'est fait manifestement s'est pu faire, dit Aristote, parce que, s'il ne s'étoit pu faire, il ne se serait pas fait\ Ce que nous ajoutons à l'histoire, comme il n'est pas appuyé de son autorilé, n'a pas cette prérogative. Nous avons une pente naturelle, ajoute ce philosophe, à croire que ce qui ne s'est point fait na pu encore se faire^ ; et c'est pourquoi ce que nous inventons a besoin delà vraisemblance la plus exacte qu'il est pos- sible pour le rendre croyable.

A. bien peser ces deux passages, je crois ne m'éloigner point de sa pensée quand j'ose dire, pour définir le vrai- semblable, que c'est une chose manifestement possible dans la bienséance, et qui n'est ni manifestement vraie ni manifestement fausse. On en peut faire deux divisions, l'une en vraisemblable général et particulier, l'autre en ordinaire et extraordinaire.

Le vraisemblable général est ce que peut faire et qu'il est à propos que fasse un roi, un général d'armée, un amant, un ambitieux, etc. Le particulier est ce qu'a pu ou dû faire Alexandre, César, Alcibiade, compatible

I. Ta 0£ yi'/rjij,sv(x, oavspôv oti ouvaxa ■ oùyào av Ifivtxo, £t rjv âoû- vaia. (Aristote, Pnétiquc, chap. ix, 6.)

•>,. Ta jxàv O'Jv [j.T) ysvOjxEva outt'o 7tt(3T£U0(i£v etvat ouvaxâ. (/6(V/.) — f Corneille a tort de dire « ajoute; » ces mots viennent dans Aristote avant lu citation {)r('cc'denle.

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