ACTE I, SCÈNE V. ^17
CLARICE.
Tu serois assez fin pour bien cacher ton jeu.
PHILISTE.
C'est ce qui ne se peut : l'amour est tout de feu,
Il éclaire en brûlant, et se trahit soi-même. 3 45
Un esprit amoureux, absent de ce qu'il aime',
Par sa mauvaise humeur fait trop voir ce qu'il est :
Toujours morne, rêveur, triste, tout lui déplaît :
A tout autre propos qu'à celui de sa flamme.
Le silence à la bouche, et le chagrin en l'âme, 3 5o
Son œil semble à regret nous donner ses regards,
Et les jette à la fois souvent de toutes parts.
Qu'ainsi sa fonction confuse ou mal guidée ^
Se ramène en soi-même, et ne voit qu'une idée ;
Mais auprès de l'objet qui possède son cœur, 3 55
Ses esprits ranimés reprennent leur vigueur :
Gai, complaisant, actif —
CLARICE.
Enfin que veux-tu dire?
PHILISTE.
Que par ces actions que je viens de décrire,
Vous, de qui j'ai l'honneur chaque jour d'approcher.
Jugiez pour quel objet l'amour m'a su toucher'. 36 o
CLARICE.
Pour faire un jugement d'une telle importance. Il faudroit plus de temps. Adieu : la nuit s'avance. Te verra-t-on demain ?
PHILISTE.
Madame, en-doutez-vous ? Jamais commandements ne me furent si doux :
��1. Var. L'esprit d'un amoureux, absent de ce qu'il aime. (lôS^-By)
2. Var. Qu'ainsi sa fonction confuse et mal guidée. (lôS^-ôy)
3. Far. Jugiez pour quels objets l'amour m'a su toucher. (i63/i-6o)
Corneille, i 27
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