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POLYEUCTE.

PAULINE.

Je veux guérir des miens ; ils souilleroient ma gloire.

SÉVÈRE.

Ah ! Puisque votre gloire en prononce l’arrêt,
Il faut que ma douleur cède à son intérêt.
Est-il rien que sur moi cette gloire n’obtienne ?
Elle me rend les soins que je dois à la mienne.
Adieu : je vais chercher au milieu des combats
Cette immortalité que donne un beau trépas,
Et remplir dignement, par une mort pompeuse,
De mes premiers exploits l’attente avantageuse,
Si toutefois, après ce coup mortel du sort,
J’ai de la vie assez pour chercher une mort.

PAULINE.

Et moi, dont votre vue augmente le supplice,
Je l’éviterai même en votre sacrifice ;
Et, seule dans ma chambre enfermant mes regrets,
Je vais pour vous aux dieux faire des vœux secrets.

SÉVÈRE.

Puisse le juste ciel, content de ma ruine,
Combler d’heur et de jours Polyeucte et Pauline !

PAULINE.

Puisse trouver Sévère, après tant de malheur,
Une félicité digne de sa valeur !

SÉVÈRE.

Il la trouvoit en vous.

PAULINE.

Il la trouvoit en vous.Je dépendois d’un père.

SÉVÈRE.

Ô devoir qui me perd et qui me désespère !
Adieu, trop vertueux objet, et trop charmant.

PAULINE.

Adieu, trop malheureux et trop parfait amant.


Scène III.

PAULINE, STRATONICE.
STRATONICE.

Je vous ai plaints tous deux, j’en verse encor des larmes ;