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120 LE CID

la jeune musulmane ses fureurs. Jusqu'à ce moment, Glu- mène s'est obstinée dans sa fidélité :

Madame, vous savez comme j'ai combattu,

Avant que de céder à cette violence

Où son amour fit moins que mon obéissance.

Je résistai longtemps, mais enfin, malgré moi.

Il fallut obéir aux volontés du roi;

Il fallut oublier son crime et ma vengeance :

Votre père Fernand me mit en sa puissance,

Et, puisque je me suis rendue à cet effort.

Ses fers achèveront et ma vie et mon sort...

... Si jamais ce front doit porter la couronne,

Il faudra que ce soit le Cid qui me la donne.

Elle est inquiète pourtant : depuis longtemps elle est sans nouvelles de Rodrigue ; l'aurait-il oubliée ? Saisissant roccasion, et renonçant à plaider sa propre cause, don Sanche plaide \a. cause du roi, mais sans chaleur comme sans succès :

Le temps vous fera mieux digérer mes avis.

Il se retire donc, et rend compte au roi de sa mission

inutile :

Sire, j'aurais plutôt apprivoisé des ours.

Avant de partir, cependant, il laisse au cœur de Chimène un soupçon jaloux : serait-il vrai que Rodrigue aimât ChérifTe, infante de Cordoue? Voici justement que Ghériffe paraît, suivie de Rodrigue et de princes mores prisonniers : trompée par un billet mal interprété, et croyant à l'amour du Cid, elle lui a livré sa patrie, elle a trahi pour lui Sphérante, prince de Tolède, son tiancé. Rodrigue la repousse, Chimène repousse Rodrigue, et pourtant ne peut s'empêcher de l'aimer encore :

Il est toujours Rodrigue, et moi toujours Chimène.

Tous veulent mourir; seul, le roi, politique ingénieux, tient à sa solution paisible, épouser Chimène et donner l'infante, «a sœur, à Rodrigue :

Vous, ma sœur, acceptez son amour et ses voeux, Et, pour toute raison, sachez que je le veux...

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