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LE CID


TRAGÉDIE




ACTE PREMIER



SCÈNE I.


CHIMÈNE, ELVIRE [1]


CHIMÈNE.

Elvire, m’as-tu fait un rapport bien sincère ?
Ne déguises-tu rien de ce qu’a dit mon père ?

  1. 1. Nous avons dit, dans l’introduction, comment, au xviiie siècle, on retrancha les deux premières scènes pour faire commencer la pièce à la scène de la querelle. Il était nécessaire de les rétablir, d’abord par respect pour le texte de Corneille, ensuite dans l’intérêt même du drame, car rien n’est plus juste que la remarque de Voltaire : « Peut-on s’intéresser à la querelle du comte et de don Diègues, si l’on n’est pas instruit des amours de leurs enfants ? L’affront que Gormaz fait à don Diègue est un coup de théâtre, quand on espère qu’ils vont conculre le mariage de Chimène avec Rodrigue. » La seconde scène est moins utile, mais en prépare et en éclaire d’avance plusieurs autres, si bien qu’on ne peut la supprimer sans supprimer du même coup le rôle entier de l’Infante.
        Avant 1664, cette première scène en formait deux autres, la première entre Elvire et le comte, la seconde entre Elvire et Chimène ; la première débutait ainsi :
    ELVIRE.

    Entre tous ces amants, dont la jeune ferveur
    Adore votre fille et brigue ma faveur,
    Don Rodrigue et don Sanche à l’envi font paraître
    Le beau feu qu’en leurs cœurs ses beautés ont fait naître.
    Ce n’est pas que Chimène écoute leurs soupirs,
    Ou d’un regard propice anime leurs désirs :
    Au contraire, pour tous dedans l’indifférence,
    Elle n’ôte à pas un ni donne d’espérance.
    Et sans les voir d’un œil trop sévère ou trop doux,
    C’est de votre seul choix qu’elle attend un époux.