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ACTE V, SCÈxNE 1 loi

CINNA.

Je demeure stupide :
Non que votre colère ou la mort m’inlimi le;
Je vois qu’on m’a trahi, vous m’y voj-ez re^er,
Et j’en cherche l’auteur, sans le pouvoir trouver.

Mais c’est trop y tenir toute l’âme occupée.
Seigneur, je suis Romain, et du sang^ de Pompée :
Le père et les deux fils, lâchement égorgés.
Par la mort de César étaient trop peu vengés.
C’est là d’un beau dessein l’illustre et seule cause,
Et puisqu’à vos rigueurs la trahison m’expose, 1550

N’attendez pas de moi d’infâmes repentirs,
D’inutiles regrets, ni de honteux soupirs.
Le sort vous est propice autant qu’il m’est contraire;
Je sais ce que j’ai fait, et ce qu’il vous faut faire.
■Vous devez un exemple à la postérité, 1555

Et mon trépas importe à votre sûreté.

AUGUSTE.

Tu me braves, Cinna, tu fais le magnanime.
Et, loin de t’excuser, tu couronnes ton crime.
Voyons si ta constance ira jusques au bout.

1541. Stupide est pris dans le sens étymologique : frappé de stupeur. Jo tàcbe à cet objet d’être arengle ou stupide. {Rodogiine, 719.)

1544. « On dit bien l’auteur d’une trahison, d’un crime, etc.; mais il est plus rare que, comme dans cet eiemnle, le mot auteur se rapporte à toute une phrase représentée par en. » (M. Marty-Laveaui.)

1545. Vor.Cette stupidité s’est enBn dissipée. (lCt3-S6.)

1546. Il est peut-être un peu tard pour relever Cinna, si abaissé tout à l’heure ; mais enfin l’on a plaisir à voir se redresser une âme naturellement honnête, qu’une situation fausse avait comme ployée. En face de la mort dont il se croit menacé, Cinna n’hésite plus ; il redevient le petit-fils du prand Pompée, dont il Invoque souvent le nom pour se grandir lui-même, sans toujours en être digne. La clémence d’Auguste en sera plus inattendue et plus émouvante : elle ne serait plus dramatique si elle tombait de trop haut sur des âmes avilies.

1549. La haine héréditaire du petit-fils de Pompée contre César et Octave n’est pas, — Cinna le sait mieux que personne, — la « seule cause » de son entreprise ; car il nous a confessé (111. iv) qu’il adore Auguste, et qu’il consent à le frapper seulement pour mériter Emilie.

1551. Voilà encore un de ces pluriels des noms abstraits si familiers à Corneille. Voltaire le condamne, et le Dictionnaire de l’Arariémie n’admet repentir au pluriel que d;ins un sens tout spécial. « Repentir, trace d’une première idée qu’on a voulu corriger. Il y a des repentirs dans ce tableau. » M. Littré cite pourtant, de Mme de Sévigné, de J.-J. Rousseau, de V. Hugo, des exemples qui justifient pleinement Corneille. En poésie, ce pluriel est d’une énergie singulière.

1554. « Le sens est : ce que vous devez faire. Mais l’expression est trop équivoque, elle semble signifier ce que Cinna doit faire à Auguste. » (Voltaire.)

1558. Couronner, mettre le comble à, accomplir jusqu’au bout :

Il faut ou condamner, ou couronner sa haine. (Rodogune, 1624.)

1559- Jusques n’est plus g^ère usité qu’en poésie, rarement, bien qu«