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92 ÉTUDE

CARLOS.

J'ai vu la place vide, et cru la bien remplir.

D. MANRIQUE.

Un soldat bien remplir une place de comte!

CARLOS.

Seigneur, ce que je suis ne me fait point de honte. Depuis plus de six ans il ne s'est fait combat Qui ne m'ait bien acquis ce grand nom de soldat : J'en avais pour témoin le feu Roi votre frère, Madame; et par trois fois...

D. MANRIQUE.

Nous vous avons vu fairo Et savons mieux que vous ce que peut votre bras.

D. ISABELLE.

Vous en êtes instruits, et je ne la suis pas ; Laissez-le me l'apprendre. Il importe aux monarques Qui veulent aux vertus rendre de dignes marques, De les savoir connaître, et ne pas ignorer Ceux d'entre leurs sujets qu'ils doivent honorer.

D. MANRIQUE.

Je ne me croyais pas être ici pour l'entendre.

D. ISABELLE.

Comte, encore une fois, laissez-le me l'apprendre. Nous aurons temps pour tout. Et vous, parlez, Carlos.

��Je dirai qui je suis, Madame, en peu de mots. On m'appelle soldat : je fais gloire de l'être; Au feu Roi par trois fois je le fis bien paraître. L'étendard de Castille, à ses yeux enlevé. Des mains des ennemis par moi seul fut sauvé : Cette seule action rétablit la bataille. Fit rechasser le Maure au pied de sa muraille, Et, rendant le courage aux plus timides cœurs, Rappela les vaincus et défit les vainqueurs. Ce même Roi me vit dedans l'Andalousie Dégager sa personne en prodiguant ma vie, Quand, tout percé de coups, sur un monceau de morts, Je lui fis si longtemps bouclier de mou corps, Qu'enfin autour de lui ses troupes ralliées, Celles qui l'enfermaient furent sacrifiées ; Et le même escadron qui vint le secourir Le ramena vainqueur, et moi prêt à mourir. Je montai le premier sur les murs de Séville,

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