Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/125

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Plaute, qui n’y cherchait point d’autre finesse : parce qu’il y a des dieux et des rois dans son Amphitryon, il veut que c’en soit une, et parce qu’il y a des valets qui bouironneut, il veut que ce soit aussi une comédie, et lui donne l’un et l’autre nom, par un composé qu’il forme exprès, de peur de ne lui donner pas tout ce qu’il croit lui appartenir. Mais c’est trop déférer aux personnages, et considéi or trop peu l’action. Aristote eu use autrement dans la définition qu’il fait de la tragédie, où il décrit les qualités que doit avoir celle-ci, et les etîets qu’elle doit produire, sans parler aucunement de ceux-là, : et j’ose m’imagiuer que ceux qui ont res- treint cette sorte de poème aux personnes illustres n’eu ont décidé que sur l’opiniou qu’ils ont eue qu’il n’y avait que la fortune des rois et des princes qui fût capable d’une action telle que ce grand maître de l’art nous prescrit. Cependant, quand il examine lui- même les qualités nécessaires au héros de la tragédie, il ne touche point du tout à sa naissance, et ne s’attache qu’aux inôideuts de sa vie et à ses mœurs. 11 demande un homme qui ne soit ni tout méchant ni tout bon; il le demande persécuté par quelqu’un de ses plus proches; il demande qu’il tombe en danger de mourir par une main obligée à le conserver : et je ne vois point pourquoi cela ne puisse arriver qu’à un prince, et que dans un moindre rang on soit à couvert de ces malheurs. L’histoire dédaigne de les marquer, à moins qu’ils aient accablé quelqu’une de ces grandes têtes, et c’est sans doute pourquoi jusqu’à présent la tragédie s’y est arrêtée. Elle a besoin de son appui pour les événements qu’elle traite; et comme ils n’ont de l’éclat que parce qu’ils sont hors de la vraisemblance ordinaire, ils ne seraient pas croyables sans son autorité, qui agit avec empire, et semble commander de croire ce qu’elle veut persuader. Mais je ne comprends point ce qui lui défend de descendre plus bas, quand il s’y rencontre des actions qui méritent qu’elle prenne soin de les imiter; et je ne puis croire que l’hospitalité violée en la personne des filles de Scédase, qui n’était qu’un paysan de Leuctres, soit moins digne d’elle que l’assassinat d’Agamemnon par sa femme, ou la vengeance de cette mort par Oreste sur sa propre mère; quitte pour chausser le cothurne un peu plus bas :

Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri[1].
  1. Horace, Art poétique, v. 95.