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6 ÉTUDE

une peinture des plus vives de l'amour le plus violent. La cinquième scène du troi?iinie acte et le quatritmc acte tout entier sont dignes du grand Corneille. » 11 en coûte de ne pas adhérer sans réserve à cet éloge. Le caractère de Placide a de la noblesse, mais aussi quelque mouotonie. Fils de Valons, gouverneur d'Antioche, qui ja- dis, proscrit, a dû sou salut à Marcelle et l'a épousée par reconnais- sance, il est aimé de la triste Flavie, fille de Marcelle, et il aime la chrétienne Théodore, qui n'aime que lemartyre.il est engagé dans une sorte d'impasse, d'où il ne sortira pas, car il ne veut pas épou- ser Flavie et il ne peut pas épouser Théodore. Que faire et que dire? Sa douleur impuissante peut nous toucher, mais un drame n'est pas une élégie. 11 est vrai qu'il est la cause principale du péril de Théodore, puisque c'est la honte de voir sa fille repoussée qui arme contre Théodore Marcelle jalouse, et la décide à faire livrer la vierge chrétienne à la brutalité des soldats. Du moins pourrait-il l'arra- cher de leurs mains; il laisse cette gloire à Didyme, dont il est ja- loux lui-même ensuite. Pendant les deux derniers actes, il s'agite beaucoup, mais dans le vide, et ne sort d'embarras que par la mort. Didyme, qui, chrétien lui-même, a sauvé, mais eu vain, Théodore qu'il aime, ne fait pas meilleure figure dans l'action. C'est un rival peu dangereux, celui qui répond à Placide, soupçonneux :

Qui s'apprête à mourir, qui court à des supplices, N'abaisse pas son âme à ces molles délices, Et, près de rendre compte à son Juge éternel, 11 craint d'y porter même un désir criminel.

La foi chez lui s'épure et s'exalte à ce point, que daus sou rayon- nement s'éclipse l'amour profane. « J'ai dépouillé l'homme, » répond-il à son ami Cléobule, qui le conjure de vivre. C'est là justement le malheur de tous ces personnages : ils dépouillent l'homme ti'op facilement et trop vite pour que les hommes trou- vent en eux des semblables. Didyme abandonne Thi-odore à Pla- cide, à peu près comme Polyeucte cède Pauline à Sévère; mais nous avons été témoins des combats qui se sont livrés dans l'àme de Polyeucte, et, même en ce sacrifice suprême, nous sentons l'effort. Ici point d'eiîort sensible :

Qu'elle fuie avec lui; c'est tout ce que veut d'elle Le souvenir mourant d'une flamme si belle.

Au lieu de fuir, Théodore lui dispute la gloire et le bonheur du

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