ACTE 1, SCÈNE V 221
Par lui j'ai jeté Rome en haute jalousie 315
De ce que Nicomède a conquis dans l'Asie,
Et de voir Laodice unir tous ses Etats,
Par l'hymen de ce prince, à ceux de Prusias :
Si bien que le sénat prenant un juste ombrage
D'un empire si grand sous un si grand courage, 320
11 s'en est fait nommer lui-même ambassadeur,
Pour rompre cet hymen et borner sa grandeur.
Et voilà le seul point où Rome s'intéresse.
��Attale à ce dessein entreprend sa maîtresse!
Mais que n'agissait Rome avant que le retour 325
De cet amant si cher affermît son amour?
��Irriter un vainqueur en tête d'une armée
Prête à suivre en tous lieux sa colère allumée,
C'était trop hasarder, et j'ai cru pour le mieux
Qu'il fallait de son fort l'attirer en ces lieux. 330
Ainsi, tout prêt à voir l'entreprise détruite,
De Martiaa Licine a pratiqué la fuite. (Th. Corneille, Maxim., V, 3.)
315. £"71 haute jalousie, dans une haute jalousie. Nous avons déjà rencontré plus d'une de ces tournures elliptiques. — /faut se dit généralement en bonne part de toutce qui est élevé; mais parfois aussi on l'emploie dans le sens défavo- rable, pour caractériser tout ce qui est excessif. Corneille avait dit dans le Cid (1671) : « ce haut ressentiment. »
323. Var. Et voilà le .«crupule où Rome s'intéresse. (1692.)
On remarquera que cette correction n'a pas été faite du vivant de Corneille. — Où, auquel; voyez la note du v. 26.
324. Var. C'est pourquoi donc .\ttale entreprend sa maîtresse! (li^5l-5fi.)
A ce dessein, pour ce dessein, pour seconder les vues de Rome et d'Arsinoé. Entreprend sa maîtresse, essaye d'enlever à Nicomède le cœur de Laodice. Par la critique, toutefois trop absolue, de Voltaire, nous voyons qu'entreprendre quel- qu'un dans le sens de s'efforcer de le gagner (ou parfois l'attaquer) ne se disait plus; mais on le disait fort bien aux .xvi" et xvu' siècles : o II estoit aisé à se lais- ser gagner par quiconque l'eust entrepris par artifice de flatterie. » (Amyot, Vie de Crassus.) M. Marty-Laveaux montre même que, loin d'être vulgaire au temps de Corneille, ce terme passait pour élégant dans les ruelles.
327. En tète; on dirait plutôt aujourd'hui, en ce sens : à la tête d'une armée.
330. Dp son fort. Andi ieiix corrige : de son camp. Mais fort est autrement éner- gique. Ce mot signifie parfois chez Corneille fourré, taillis épais d'un bois :
Des chasseurs l'ont surpris dans la forêt prochaine,
Où, caché dans un fort, il atlen lait la nuit. {Pcrtharite, 1005.)
Mais plus souvent, et c'est le cas ici, croyons-nous, le fort de quelqu'un, c'est le lieu ou il se sent le plus fort, ou il est le plus en sûreté, le plus à l'aise et en état de tenir tète à ses adversaires :
Mon génie au Ihéàlre a voulu m'attacher:
Il en a fait mon fort, il sait m'y retrancher (Au Rot.)
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