Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/300

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J’en laisse le Ciel juge, il connaît sa pensée;
Il sait poui mon salut comme elle a fait des vœux;
Il lui rendra justice, et peut-être à tous deux.
Cependant, puisqu’enfln l’apparence est si belle, 1215
Elle a parlé pour moi, je dois parler pour elle,
Et pour son iiitérèl vous faire souvenir
Que vous laissez loufjtemps deux méchants à punir.
Envoye2 Métrobate et Zenon au supplice.
Sa gloire attend de vous ce digne sacrifice : 1220
Tous deux l’ont accusée, et s’ils s’en sont dédits
Pour la faire innocente et charger votre fils,
Ils n’ont rien fait pour eux, et leur sort est trop juste
Après s’être joués d’une personne auguste.
L’offense une fois faite à ceux de notre rang 1225
Ne se répare point que par des flots de sang :
On n’en fut jamais quitte ainsi pour s’en dédire.
Il faut sous les tourments que l’imposture expire;
Ou vous exposeriez tout votre sang royal
A la légèreté d’un esprit déloyal. 1230
L’exemple est dangereux et hasarde nos vies,
S’il met en sûreté de telles calomnies.

ARSINOÉ.

Quoi ! Seigneur, les punir de la sincérité

1214. Tout ce début de la réplique de Niromède n’est pas moins fin qu’il est digne. Il attaque à son tour, mais en passant et sans y insister, en homme qui tient ù ne pas blesser le roi, mais aussi à ne pas sembler dupp. Un mot lui suffît pour renverser tout l’édilice quWrsinoé vient de construire, et mettre au jour ses vues intéressées. Puis, ce point touché d’une main légère, le ton s’élève sans effort jusqu’à l’éloquence.

1224. Après s’être joués, après qu’ils se sont joués; construction qu’on jugerait irrégulière aujourd’hui, mais qui était fréquente alors. Voyez des tournures ana- logues aux V. 237 et 1134.

1226. Point que. Vaugelas et Ménage critiquent cette tournure, forme de négation particulièrement énergique, que Corneille n’abandonna point et que ses contemporains emploient sans scrupule :

Vous n’avez point ici d’ennemi gîte vous-même. {Pûlyeucle, 1667.)

■Voyez le Cid, 766; Horace, lOlo ; Pompée, 836; Hoaogune, 490. — « Kien ne l’afflige tant dans ses plaies que lorsqu’il voit qu’il n’en reçoit po/di que jiar auteurs de sacrilèges... (Bossuet, Quatrième Sermon pour le vendredi saint.) — « On n’a.point assez clairement connu la différence de l’esprit et du corps que depuis quelques années. » (Malebranche, Recherche delà vérité. Préface.)

Un personnage de Rotrou dit, aussi fièrement que Nicomède :

Ce que hait un monarque est digne de pC-rir. (Innocente infidélité, lï\, \.)

1231. Hasard, moins faible qu’aujourd’hui, avait alors le sens de péril ; hasarder signifiait donc exposer au péril. Voyez le v. 1677.

Cinna n’est pas penlu pour être hasardé. {Cinna, 127.)

1232. Comme le remarque Voltaire, l’expression juste serait plutôt : s’il laisse