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340 ÉTUDE

Comme Pyrrhus, Grimoald est généreux par nature et de pre- mier mouvement. Pour obtenir la main de Rodelinde, il lui offre de céder le trône à son fils ; mais Rodelinde refuse, et ne veut pas qi]e ce beau dessein soit gâté par le mélange impur de l'amour :

Car enfin cet effort est de telle nature Que la source en doit être à nos yeux toute pure: La vertu doit régner dans un si grand projet, En être seule cause, et l'honneur seul objet *.

Avec la même constance que la veuve d'Hector, elle reste fidèle au souvenir de son mari, mais sa fidélité s'exprime avec plus de hauteur :

Je te dois estimer, mais je te dois haïr... Garde donc ta conquête, et me laisse ma gloire ; Respecte d'un époux et l'ombre et la mémoire : Tu l'as chassé du trône, et non pas de mon cœur...

GRIMOALD.

Je me ferai justice en domptant qui me brave; Qui ne veut point régner mérite d'être esclave. Allez, sans irriter plus longtemps mon courroux, Attendre ce qu'un maître ordonnera de vous.

RODELINDE.

Qui ne craint point la mort craint peu, quoi qu'il ordonne

GRIMOALD.

Vous la craindrez peut-être eu une autre personne 2.

La situation est la même daus Andromaque; mais que le ton est changé ! Grimoald et Rodelinde sont deux personnages tout cornéliens, chez qui la passion même est sentencieuse, deux caractères également hautains, qui se provoquent et se heurtent. Aussi emporté, Pyrrhus est moins brutalement barbare ; aussi digne, Andromaque est plus douce, et aussi plus adroite.

Bientôt se précise, avec une clarté tragique, la menace voilée de Grimoald ; c'est Garibalde qui se charge de placer Rodelinde en face de cette alternative redoutable ; sacrifier son devoir conjugal ou son amour maternel.

��1. Acte H, se. 5.

2. Acte II, Bc. 5.

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