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444 ETUDE

Si nous les voulions tous bannir de notre Afrique, 11 faudrait commencer par votre république, Et renvoyer à Tyr, d'où vous êtes sortis, Ceux par'qui nos climats sont presque assujettis.

Au point de vue historique, rien de plus vrai peut-être et de plus profond ; mais au point de vue dramatique, rien de plus froid que ces abstractions ; or c'est au point de vue dramatique qu"iv faut juger un drame. Un apologiste de Corneille historien, M. Des- jardins, s'indigne qu'à sa Sophonisbe on ait préféré jadis la So- ■phonisbe « de M. Mairet ». C'est que M. Mairet avait su tou- cher le public, et que le public, au théâtre, ne demande pas autre chose. Le même apologiste reconnaît que Sophonisbe, toujours trop virile, souvent odieuse, n'est pas intéressante comme femme; qu'Éryxe joue un rôle etfacé ; que Syphax, complaisant et dupe, déplaît par sa sottise, comme Massinissa par sa lâcheté. Que reste t-il donc? Une antithèse : <■ 11 n'y a vraiment dans cette œuvre curieuse que deux personnages : Rome et Carthage ; Rome, dont la main tient tous les fils, fait jouer tous les ressorts, et Carthage, dont la haine vit et respire par le cœur de la fille d'Hasdrubal'.» Admirons donc comme il convient, d'un côté cette politique romaine, — dont .Mairet n'avait pas cependant ignoré la grandeur astucieuse, et que Corneille lui-même avait su rendre plus émou- vante dans Nicomède; — de l'autre la tragique partie que joue Carthage sur le sol de l'Afrique, à l'heure où son Aunibal, sur le sol de l'Italie, brise ses forces longtemps victorieuses contre la persévérante énergie du sénat romain. Mais n'érigeons pas eu mérite suprême ce qui, dramatiquement, est un défaut, et com- prenons que les auditeurs contemporains n'aient pas été aussi sensibles que les lecteurs modernes à des beautés sévères plus qu'entraînantes.

Pourquoi Sophonisbe, qui a toujours aimé Massinissa, a-t-elle épousé le vieux Syphax ? C'est pour conquérir un allié puissant à la cause de Carthage :

J'immolai ma tendresse au bien de ma patrie.

L'hjTnen qu'elle a subi est un hymen politique, où u lamuiu n'a point donné le cœur ». .Mais elle n'a pas sacrifié sa passion à ce

1. Le grand Corneille historien.

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