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i70 ÉTUDE

Dans une langue plus souple, Atalide exprimera des sentiments

identiques :

J'ai fait ce que j'ai dû : je ne m'en repens pas... Non, non, il ne fera que ce qu'il a dû faire. Sentiments trop jaloux, c'est à vous de vous taire. Si Bajazet l'épouse, il suit mes volontés ; Respectez ma vertu qui vous a surmontés; A ses nobles conseils ne mêlez point le vôtre; Et, loin de me le peindre entre les bras d'une autre, Laissez-moi sans regret me le représenter Au trône, où mou amour l'a forcé de monter'.

Peut-être aussi le caractère de l'affranchi Martian, qui domine tout ce second acte, a-t-il donné à Racine l'idée première de ce personnage idéal en sa perfidie qui s'appelle Narcisse. En tout cas, nul avant Corneille n'avait peint avec ce relief saisissant cette classe d'hommes si puissants tout ensemble et si méprisés. Nous nous garderons de dire : " Narcisse n'est qu'un affranchi et Mar- tian, l'affranchi- »; car Martian n'a pas la souplesse insinuante, le parfait naturel dans la scélératesse, la bassesse insolente ou obsé- quieuse de Narcisse. Celui-ci, d'ailleurs, tombé du pouvoir où il veut remonter, se garde de parler trop haut avant d'avoir défini- tivement conquis Néron. L'ambitieux orgueil de Martian, favori tout-puissan"t de Galba, s'étale au grand jour. Il ose lever les yens vers Plautine et la disputer à Othon. Avec quel mépris altier Plau- tine lui rappelle ce qu'il est I

MARTIAN.

Et vous vous étonnez que pour vous je soupire!

��Je m'étonne bien plus que vous me l'osiez dire; Je m'étonne de voir qu'il ne vous souvient plus Que l'heureux Martian fut l'esclave Icélus, Qu'il a changé de nom sans changer de visage.

��C'est ce crime du sort qui m'enfle le courage : Lorsqu'en dépit de lui je suis ce que je suis, On voit ce que je vaux, voyant ce que je puis. Un pur hasard sans nous règle notre naissance ;

1. Bajazet, III, 1.

2. Desjardins, le grand Corneille historien.

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