Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

56 ÉTUDE

peut dire encore de l'Hercule amoureux : « 11 ue plut pas aux Français i », du moins la part que le jeune Louis XIV prit désor- mais à ces divertissements jusqu'alors aussi impopulaires que le ministre, les releva peu à peu d'un long discrédit. Le goût du roi devint, sinon celui de la nation, au moins celui de la cour. Vol- taire n'a donc point tout à fait raison d'écrire : « 11 eu résulte que nous devons en France l'opéra et la comédie à deux cardinaux.» Car, outre qu'il est fort douteux que la France doive à Riche- lieu la comédie, il est certain qu'elle ne doit pas à Mazarin seul l'opéra.

Les Français composaient déjà, et avant Corneille, des pièces à grand spectacle qui n'étaient point l'opéra proprement dit et y conduisaient pourtant. L'abbé Boyer, le futur rival, bien malheu- reux, de Racine, cet abbé qui devait plus tard (1666) encadrer dans une mise en scène digne du sujet les Amours de Jupiter et de Sémélc, avait, dès 1648, fait jouer sur le théâtre du Marais Ulysse dans l'île de Circé, pièce à machines. M. Despois va jusqu'à dire que Boyer est le créateur du genre : « C'était, dit-il, à son exemple que Corneille, deux ans plus tard, avait composé Andromède, re- présentée par les comédiens de l'hôtel de Bourgogne, mais non dans leur local habituel, peu approprié aux représentations de ce genre : elle avait été jouée dans la salle qu'eut Molière lors de sou établissement définitif à Paris, celle du Petit-Bourbon 2. » N'est- ce pas faire beaucoup d'honneur à Boyer que de l'ériger ainsi en précurseur? Un témoignage contemporain, cité par M. Marty- Laveaux, nous paraît trancher la question, et prouver que dès 1647 Corneille avait conçu tout au moins le plan de sa tragédie musi- cale : « On préparait force machines au palais Cardinal, écrit Conrart 3. pour représenter à ce carnaval une comédie en musique dont M. Corneille a fait les paroles. 11 avait pris Andromède pour sujet, et je crois qu'il l'eût mieux traité à notre mode que les Ita- liens; mais, depuis la guérison du roi, M. Vincent * a dégoûté la reine de ces divertissements, de sorte que tous les ouvrages ont cessé. » Le « créateur du genre », s'il y en a un, serait donc plu- tôt Corneille.

En prenant pour point de départ cette date de 1647, on serait

1. Siècle de Louis XIV, ch. xxv.

2. Le Théâtre sous Louis X/V.

3. Lettre ;"i Fclibien, 20 décembre 1647.

4. Vinnent de Paul.

�� �