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CHAPITRE VIII.

née, que quelques arbres qui m’étaient inconnus, et qui portaient un triste feuillage. Je me mis souvent dans le fleuve, mais sans oser aller au large ; la peur que nous avions des kaymans nous empêchait de nous éloigner du bord.

« Vers les deux heures, arrive une petite embarcation ; le maître demande M. Picard : envoyé par un des anciens amis de celui-ci, il lui apporte des vivres avec des habits pour sa famille. Il nous annonce à tous de la part du gouverneur anglais, deux autres embarcations chargées de vivres. Je ne puis, en attendant qu’elles arrivent, rester auprès de la famille Picard. Je ne sais quel mouvement se passait dans mon âme en voyant couper ce beau pain blanc, et couler ce vin qui m’aurait fait tant de plaisir. À quatre heures, nous pûmes aussi manger du pain ou de bon biscuit, et boire d’excellent vin de Madère, que l’on nous prodigua même avec peu de prudence. Nos matelots étaient ivres ; ceux mêmes d’entre nous qui en usèrent avec plus de réserve, ou dont les têtes étaient meilleures, étaient au moins fort gais. Aussi, que ne dîmes-nous pas en descendant le fleuve, dans nos barques ! Après une courte et heureuse navigation, nous abordâmes à Saint-Louis vers les sept heures du soir.

« Mais que faire ? où aller ? Telles étaient nos réflexions en mettant pied à terre ! Elles ne furent pas longues : nous trouvâmes de nos camarades de nos embarcations arrivés avant nous, qui nous conduisirent et nous distribuèrent chez différens particuliers chez