Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/468

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ODE

Hélas ! En vain l’espoir leur offre on doux prestige !
     Qui d’entre eux reverra le port ?
     L’esprit de trouble et de vertige
     Semble présidera leur sort.
Cette main qui jura de veiller sur leurs têtes,
Sans souci du devoir, les dévoue aux tempêtes
     Et les abandonne à la mort.

Levez, levez vos fronts, ô vertes Néréides !
     Amis du calme et des beaux jours,
     Tritons, de vos conques humides
     Prêtez-nous l’utile secours,
Et que sur tant d’écueils, notre barque jetée,
Des troupeaux confiés aux soins du vieux Protée,
     Apprenne à franchir leurs détours !

Mais non ! ces dieux jaloux, que l’infortune implore
     Dans leur courroux sont obstinés :
     L’éclat du jour se décolore ;
     Tous les vents soufflent mutinés,
Et le feu des éclairs, le fracas des orages
Se font un jeu cruel d’accabler des courages
     À tant d’épreuves destinés.

Ô plus heureux cent fois ceux qui, près de nos rives
     Levant un bras ensanglanté
     Des foudres, qu’ils croyaient captives,
     Frappaient l’Anglais épouvanté,
Et dans le sein des eaux, descendant avec gloire,