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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

par M. le lieutenant de vaisseau Espiau. Plusieurs personnes nous ont assuré que l’intention de cet officier était de venir reprendre la remorque, mais son équipage s’y opposa ; il eût au reste commis une grande imprudence. Ses efforts ne nous auraient été que de peu d’utilité et ce dévouement n’eût fait qu’augmenter le nombre des victimes. Dès que cette chaloupe fût partie, nous n’eûmes plus alors de doute que nous étions abandonnés ; nous n’en fûmes cependant tout à fait convaincus que lorsque les embarcations eurent disparu[1].

  1. (d) Quand nous eûmes joint le radeau traîné par les autres embarcations, nous demandâmes à celles-ci que l’on nous prit au moins une vingtaine d’hommes ; que sans cela nous allions couler : elles nous répondirent qu’elles étaient elles-mêmes trop chargées. Les canots crurent, d’après un mouvement que nous fîmes sur eux, que le désespoir nous avait suggéré l’intention de les couler, et de couler avec eux. Comment les officiers ont-ils pu supposer un tel dessein à M. Espiau, qui venait de montrer un si beau dévouement ? Les canots, pour nous éviter, coupèrent les cordes qui les attachaient ensemble, et à pleines voiles s’éloignèrent de nous. Au milieu de ce trouble, la corde qui remorquait le radeau se rompt aussi, et cent cinquante hommes sont abandonnés au milieu des eaux, sans aucun espoir de secours. ( Cela est faux, elle fut coupée par M. R…, d’après l’ordre qu’il reçut de M. le gouverneur Schmaltz.)
    Ce moment fut horrible. M. Espiau, pour engager ses camarades à faire un dernier effort, vire de bord et fait un mouvement pour rejoindre le radeau. Les matelots veulent s’y opposer, et disent que les hommes du radeau se précipi-