d’un an. Le bien qu’on y dit des Anglais et le mal dont on accuse les Français a suspendu longtemps l’impression de cette pièce. Vous la trouverez écrite d’un style saillant et épigrammatique. Du reste il n’y a point d’intrigue. Le Plaisir se présente ; un Français le veut à Paris, un Anglais à Londres et une Italienne à Venise. Après que chacun a dit les raisons qui doivent lui mériter la préférence, le Plaisir veut aller partout ; il en dit les raisons qui sont le dénoùment de la pièce :
Je suis un enchanteur aimable ;
Je sais me transporter partout au même instant,
Mais je me cache aux yeux sous un déguisement,
Partout divers et partout agréable,
Selon les lieux, selon les temps.
Tout est plaisir et tout est peine.
Je suis en mille lieux mille objets différents ;
Ici je suis l’amour, et là je suis la haine.
M’accommodant aux lieux, au temps, au goût, aux pleurs.
Nouveau caméléon, quand je change de terre.
Je sais me transformer et changer de couleurs.
Je suis peut-être, en Angleterre,
Sérieux, sombre, un peu trop réfléchi.
En France moins pensé, peut-être mieux senti ;
En Italie un peu moins raisonnable,
Plus gai, plus enjoué, peut-être plus aimable.
Mais quelque habit enfin qui puisse me couvrir,
Je suis partout charmant, et partout le Plaisir.
— On vient de m’apporter le Marchand de Londres, ou l’Histoire de George Barnwell, tragédie bourgeoise traduite de l’anglais, de M. Lillo[1]. Le théâtre anglais, tout singulier qu’il est, n’a rien d’aussi singulier que cet ouvrage. Une fille de joie voit un garçon marchand qui est bien fait et qui a un air simple. Elle s’en fait d’abord aimer, elle l’engage ensuite à découcher, puis à voler son maître. Le jeune homme a un oncle fort riche dont il doit hériter. Sa maîtresse l’oblige à lui faire donation de cette succession et à aller assassiner cet oncle. Il revient de cette horrible opération avec un air égaré et les mains teintes de sang. Comme ses remords l’ont empêché de rien emporter de chez son
- ↑ Par M*** (P. Clément, de Genève). S. 1., 1748, in-12.