Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 11.djvu/31

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nier exemplaire[1]. On la peignit de couleurs odieuses ; elle fut mise à la Bastille. Le crédit de Mlle de Rohan l’en fit sortir au bout de quelques mois. Elle obtint la permission de se retirer dans un couvent à Moulins, et par la suite la même protection lui fit accorder une pension de huit cents livres sur les états de Languedoc. Elle est, depuis quelques années, retirée à Paris, au couvent du Petit-Saint-Chaumont.

Le roman qui vient de paraître est très-inégalement écrit. Il y a beaucoup d’intérêt. Les événements ne sont point invraisemblables, mais ils sont trop clairement arrangés à la convenance de l’auteur. Les caractères sont très-piquants et bien soutenus. La quatrième partie me paraît très-supérieure aux trois autres. Il y a une vérité, une finesse, une délicatesse dans les détails qui supposent dans l’auteur une grande connaissance du cœur humain. On ne peut s’empêcher de lui souhaiter un meilleur sort, et de la soupçonner néanmoins de n’avoir mis en lumière que ce qu’elle a vu sous ses yeux. Il y a des choses qui ne se devinent pas. Le génie trouve un mot sublime ; mais cette succession de mouvements contradictoires qui tourmentent une âme sensible quand elle est jointe à un caractère faible, on ne les devine pas quand on place son personnage dans une position qui nous est tout à fait inconnue. Comment une jeune fille, par exemple, pourra-t-elle peindre les soins, les sollicitudes, les espérances, les découragements de l’amour maternel ? Au moins faudra-t-il qu’elle en ait été témoin.

Une chose dont je sais un gré infini à Mlle d’Albert, c’est de n’avoir corrigé aucun de ses personnages à la fin de son roman, pas même son héroïne. Cela me fait oublier que c’est un roman que j’ai lu.

On me contait hier qu’une femme charmante, mais sans caractère, telle à peu près que l’héroïne de Mlle d’Albert, avait reçu la plus violente impression de la lecture de ce roman. Elle y avait reconnu toutes les inconséquences et les dangers de son caractère. Fondant en larmes toute une journée, elle avait juré, protesté qu’elle mourrait plutôt que de rester roseau, et d’agir sans cesse contre ses résolutions. Le même soir, elle fit d’entrainement la démarche la plus inconsidérée qu’elle ait peut-être

  1. Aucun bibliographe ne fait mention de ce roman.