Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/132

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un accessit, parce qu’il nous aurait divertis par sa platitude. Il débute par ces deux beaux vers :

Il est un art d’aimer, il est un art de plaire :
Je vais vous l’enseigner sans art et sans mystère.

Assurément Horace n’aurait pas tracassé M. Gaillard comme cet autre qui commençait son poëme pompeusement : Fortunam Priami, etc.[1] M. Gaillard ne s’appellera jamais le pompeux Gaillard. Il y a encore quelques traîneurs qui ont aussi fait imprimer les pièces par lesquelles ils ont concouru pour le prix de l’Académie ; comme un M. Mercier par le Génie, poëme de seize pages, et un avocat au Parlement par une Épître sur la recherche du bonheur[2]. Si vous voulez faire un fagot de toutes ces pièces rimées, vous n’oublierez pas d’y ajouter le Génie, le Goût et l’Esprit, poëme en quatre chants, par M. du Rozoy, auteur du poëme sur les Sens, et les Dangers de l’amour, poëme en deux chants, par un poëte gardant l’incognito. Ce dernier morceau, c’est le roman de Manon Lescaut, de l’abbé Prévost, mis en vers en forme d’héroïde. Quoique M. du Rozoy et le poëte anonyme n’aient pas concouru pour le prix, ils méritent bien l’honneur de grossir le fagot.

— Et ce vieux radoteur de Piron, de quoi s’avise-t-il ? Il vient de faire imprimer un poëme qui a pour titre : Feu M. le Dauphin à la nation en deuil depuis six mois. Ce deuil est fini, seigneur Piron.

Laïus n’est plus, seigneur ; laissez en paix sa cendre[3].

Je vous assure d’ailleurs qu’il ne dit plus un mot de ce que vous lui faites dire, et qu’il sait actuellement à quoi s’en tenir. Le sermon que Piron met dans la bouche du prince défunt commence ainsi :

France, rosier du monde, agréable contrée,
Qui ne m’as, dans les temps, qu’à peine été montrée !

  1. Fortunam Priami cantabo et nobile bellum.
  2. Épître à un ami sur la recherche du bonheur, par M. D***, avocat au Parlement, Paris, Cuissart, 1766, in-8o.
  3. Œdipe de Voltaire, acte IV, scène ii.