Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/135

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mafflée, il déchirait toute la journée à belles dents amis et ennemis. Ses vapeurs le prenaient surtout en hiver, et alors il mourait de peur que les feuilles ne reparussent plus au printemps prochain, et que la nature n’oubliât de se réveiller. Dans le temps de la querelle sur la musique, il était partisan outré de la musique italienne et un des plus redoutables piliers du coin de la reine. Les partisans de la musique française l’avaient appelé dans quelques brochures le lourd agrégé du coin, et le lourd agrégé était trop mordant lui-même pour aimer à être mordu. D’ailleurs, hanter les philosophes n’était pas un moyen bien sûr de plaire à une Faculté toute composée de jansénistes. Aussi M. Bouchaud a-t-il prudemment renoncé aux spectacles, aux philosophes, à la créature, et s’est-il mis à faire des dissertations. Malgré cette réforme, il n’a pu encore obtenir de sa Faculté une chaire de professeur.

— Un certain M. de Saint-Marc, de l’Académie de la Rochelle, a entrepris, il y a quelques années, un Abrégé chronologique de l’histoire générale d’Italie[1], à l’imitation de tous ces abrégés historiques dont M. le président Hénault a fourni le premier modèle en France. M. de Saint-Marc, en commençant son abrégé à l’époque de la chute de l’empire romain en Occident, qui date de l’an 476 de notre ère, avait laissé l’histoire d’Italie dans ses deux premiers volumes à l’année 1027. Il vient de publier le troisième tome de son ouvrage partagé en deux parties faisant ensemble plus de treize cents pages. Dans ce nouveau tome, l’histoire d’Italie est poussée jusqu’à l’an 1137. Cette période est une des plus intéressantes, puisqu’elle comprend cette guerre mémorable du sacerdoce et de l’empire, soutenue avec tant de fureur par le pape Grégoire VII contre les Henri. Il faut un esprit non‑seulement profond et philosophique, mais versé dans l’étude des usages et des mœurs de ces siècles barbares, pour bien développer des événements aussi incroyables et qui déposeront éternellement de la force d’un empire uniquement fondé sur l’opinion. Je n’ai pas eu le temps de m’assurer que M. de Saint‑Marc ait cet esprit-là.

— Les compilateurs nous poursuivent encore du fond de leur tombeau. Un polisson d’Irlande qui s’appelait tantôt l’abbé,

  1. Paris, 1761-1770, 6 vol. in-8o. Voir tome IV, page 493.