Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/138

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avec une grande naïveté les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et les résultats de cet examen ne sont rien moins que favorables à l’autorité du Saint-Esprit et de ses inspirations. Les Pères de l’Église sont épluchés avec la même sévérité. Il faut convenir que voilà une furieuse nuée de flèches qu’on tire sur cette pauvre infâme de tous côtés, et que si elle ne succombe pas à la longue, il sera bien manifeste que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais ; mais je crains toujours que le fanatisme, avant d’expirer, ne frappe quelque coup d’éclat et n’immole à sa rage quelque illustre victime.

— On a imprimé à Nancy un écrit de quarante pages intitulé De la Désertion. C’est l’article Transfuge tiré de l’Encyclopédie et qui est de M. de Saint-Lambert. On remarque dans ce morceau, écrit un peu sèchement, de bonnes vues et en général un esprit philosophique. L’auteur insiste fortement sur l’abolition de la peine de mort, qu’on inflige en France aux déserteurs. Il prétend que la peine capitale, bien loin de diminuer le nombre des déserteurs, n’a fait que l’augmenter, et cela pourrait bien être. Il paraît du moins instant de s’occuper des remèdes propres à arrêter les progrès de cette maladie, qui a gagné depuis quelques années avec une espèce de fureur. M. de Saint-Lambert en indique les principales causes, et ce n’est qu’en remédiant à ces causes qu’on peut espérer d’arrêter la contagion ; mais on a plutôt pendu ou passé par les armes deux cents malheureux que réformé le plus petit abus. En toute occasion, le mal est aisé à faire, le bien presque impossible. On prétend que ce sont les officiers du régiment du roi qui ont fait imprimer cet écrit dans un format à portée de tout le monde.

M. Dutens, dont je n’ai jamais entendu parler, vient de publier des Recherches sur l’origine des découvertes attribuées aux modernes, où l’on démontre que nos plus célèbres philosophes ont puisé la plupart de leurs connaïssances dans les ouvrages des anciens, et que plusieurs vérités importantes sur la religion ont été connues des sages du paganisme. Deux volumes grand in-8°, chacun de plus de deux cents pages. Je pense que toutes les découvertes qui ont changé la face du genre humain sont dues au hasard ou à une sorte d’instinct tout à fait différent du raisonnement. Les découvertes de spéculation, au contraire, qui peuvent faire honneur au génie de l’homme et déposer de sa