Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/181

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dans des vers qu’il se proposait de faire à leur louange. Dans l’épître adressée à la belle Hollandaise, Mme Pater, il fait la satire de la Hollande[1]. Dans une autre, à M. David Hume, il dit le diable des Anglais. Il offense Mlle Clairon d’une manière très-sensible dans une épître qu’il s’avise de lui adresser. Aujourd’hui il met le comble à cette folie, en adressant une épître à M. de Voltaire sur la complaisance qu’il a d’écrire à tout le monde. Cette épître, remplie de traits satiriques, a été lue et répandue par l’auteur et par ses amis dans plusieurs cercles. Quelques gens sensés ont représenté à M. Dorat qu’il était fort imprudent à lui de faire une satire contre M. de Voltaire, de s’en faire un ennemi sans nécessité, et de briguer ainsi une place dans quelque facétie entre l’ivrogne Fréron et l’archidiacre Trublet. M. Dorat a paru sentir la justesse de ces réflexions, mais vous ne devineriez jamais le parti qu’elles lui ont fait prendre. C’est de faire imprimer cette épître, de peur, dit-il, qu’une copie infidèle et défigurée par la malignité ne tombe entre les mains de M. de Voltaire. Il est vrai qu’en la faisant imprimer, il en a supprimé les traits les plus mordants ; il en a affaibli plusieurs autres, et il croit qu’elle pourra passer ainsi sans trop fâcher M. de Voltaire ; mais, moi, je crois qu’il se trompe. Il finit son épître par ces deux vers :

Je viens de rire à tes dépens,
Et je vais pleurer à Mérope.

M. de Voltaire n’aime pas qu’on rie à ses dépens ; il a fait ses preuves à cet égard, et je pense qu’il le prouvera aussi à M. Dorat ; et que, si M. Dorat aime à rire aux dépens de M. de Voltaire, il n’aura pas longtemps les rieurs de son côté. Cette épître du rieur Dorat est suivie de deux autres. La première, adressée à M. de Pezay sur son voyage en Suisse, est en revanche un panégyrique du patriarche de Ferney ; c’est le contre-

  1. Mme Pater était la femme d’un riche banquier hollandais. Quand elle arriva à Paris, son renom de beauté mit bientôt en émoi tous les hommes à la mode. Quelques-uns ayant, un jour, trouvé le moyen de se faire présenter chez elle, M. Pater, auquel leur manége n’échappait point, leur dit en les reconduisant : « Messieurs, nous aurons toujours beaucoup de plaisir à vous voir ; mais je vous préviens qu’il n’y a rien à faire ici ; car je ne sors pas de la journée, et la nuit je couche avec ma femme. » (T.) — Voyez t. VI, p. 175.