Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/185

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tiques à Pise, homme d’esprit et de mérite ; et après s’y être arrêtés quelques semaines, ces deux voyageurs reviendront passer encore quelque temps avec nous. M. de Carmontelle les a dessinés tous les trois.

M. Clément de Genève, que M. de Voltaire appelait Clément Maraud, pour le distinguer de Clément Marot, a fait, il y a une vingtaine d’années, une tragédie de Mérope qui n’a jamais été jouée. Il passa ensuite à Londres, où il publia, pendant cinq ans de suite, une Année littéraire[1]. Comme ces feuilles étaient très-satiriques et très-mordantes, et qu’il y avait plus d’esprit qu’on n’en connaissait à Clément Maraud, on disait que M. de Buffon les fournissait à ce coquin subalterne, et décochait ainsi derrière lui des traits sanglants contre amis et ennemis. Ce qu’il y a de certain, c’est que cet illustre philosophe a eu des liaisons avec ce mauvais sujet. Clément, ayant vidé ce vilain sac d’ordures, repassa en France, où il devint fou. On fut obligé de l’enfermer aux petites-maisons de Charenton. Comme sa folie n’était ni dangereuse ni incommode, il a été relâché au bout de quelques années, et il vient de publier des Pièces posthumes de l’auteur des cing Années littéraires[2]. C’est un cahier de vers et de pièces fugitives, où l’on remarque le penchant du maraud pour la satire. Ce petit recueil inspire je ne sais quelle pitié humiliante et importune. L’auteur y plaisante sur son séjour aux petites-maisons. Il nous met en compagnie avec les fous qu’il y a vus. Il se donne pour trépassé, et assurément il l’est depuis longtemps pour tous les honnêtes gens et pour tous les gens de goût. Si vous avez jamais vu les petites-maisons, vous en êtes sorti avec ce sentiment d’humiliation pénible que cette vue inspire. La lecture des pièces posthumes de M. Clément vous fera éprouver ce sentiment de nouveau.

— Dans le service qu’on a célébré à Notre-Dame pour le repos de l’âme de la reine d’Espagne, Élisabeth Farnèse, M. Mathias Poncet de La Rivière, ancien évêque de Troyes, devait prononcer l’oraison funèbre de cette princesse ; mais ce prélat se trouva indisposé au moment où il devait monter en chaire.

  1. Réuni sous le titre des Cinq Années littéraires, 1754, 2 vol. in-12.
  2. Le véritable titre du volume est Poésies posthumes de M. Clément, auteur des Cinq Années littéraires, Paris, 1766, in-12,