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ou Éléments de la science de la réalité, en deux gros volumes in-12. M. Changeux, dont j’ignorais jusqu’à la réalité de l’existence, nous apprend qu’il a entrepris ce Traité à l’occasion de l’article Réalité, qu’il destinait pour l’Encyclopédie. Il nous apprend encore qu’il a distingué la réalité de la vérité, et qu’en sa qualité de Descartes du xviiie siècle, il a voulu faire avec la première comme l’autre Descartes a fait avec la seconde, et par conséquent créer une science toute nouvelle, qui est celle de la réalité : science, suivant l’assertion de l’inventeur, plus utile que celle de la vérité, avec laquelle on ne pourra plus la confondre. Or, à force de se creuser la tête, M. Changeux a trouvé que sa science de la réalité porte sur un principe unique, et ce principe, c’est que les extrêmes se touchent sans se confondre, et que la réalité ne se trouve que dans le milieu entre ces extrêmes. C’est sur ce beau principe, si neuf qu’il est déjà devenu proverbe, que M. Changeux établit son superbe corps de logis de la réalité. Il s’imprime d’étranges sottises et d’insignes platitudes en ce xviiie siècle. Si vous avez le courage de lire un peu du Traité des extrêmes, vous y verrez que la vie et la mort ne sont pas des extrêmes ; et, dans le fait, elles ne peuvent être que des milieux, en vertu du principe unique découvert par M. Changeux, sans quoi on ne naîtrait ni ne mourrait plus réellement. Ce que je sais, c’est que si les extrêmes se touchent sans se confondre, M. Changeux doit se trouver nez à nez contre Leibnitz, Newton et Locke.



DÉCEMBRE.

1er décembre 1766.

On vient d’ériger dans l’église de Saint-Roch une espèce de mausolée à feu M. Moreau, père de feu M. de Maupertuis, et l’on a saisi cette occasion pour faire l’éloge historique de ce philosophe célèbre dans une longue et mauvaise inscription, car, depuis cent ans que nous avons une Académie royale des inscriptions, la France est à peu près le pays de l’Europe où