Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/193

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digne d’obtenir la survivance de M. Antoine dans son auberge. Oh ! mon Dieu, que je suis las de passer en revue tant de détestables ouvrages ! Tant de mauvais livres décèlent une plaie profonde du gouvernement : d’un côté, un si grand désœuvrement, puisqu’enfin on n’imprimerait pas ces platitudes si l’on n’en trouvait le débit ; de l’autre, tant d’auteurs oisifs à Paris, tandis qu’on pave les grands chemins par corvée !

— Il faut ajouter à cette foule de romans qui ont paru depuis un mois ou six semaines la Campagne, roman traduit de l’anglais par M. de Puisieux. Deux volumes in-12, faisant ensemble six cent cinquante pages. Ce M. de Puisieux m’a l’air de vouloir entrer en lice avec M. Eidous pour savoir lequel traduira l’anglais le plus mal. Moi, qui tiens à mes anciens amis, je parie pour M. Eidous. S’il est possible de l’égaler, il ne sera certainement surpassé par personne. En voici la preuve : M. Eidous traduit un livre de médecine dans lequel l’auteur anglais conseille contre de certaines douleurs de rhumatisme de se faire frotter avec des brosses de chair. Comme nous ne connaissons pas cette expression en français, et qu’on ne distingue pas les brosses qui servent à cet usage par une épithète particulière, M. Eidous, n’entendant pas le mot qui signifie brosse, et n’entendant que le mot qui signifie chair ou viande, fait dire à l’auteur anglais que dans ces cas il conseille de manger des viandes rôties. Je donne dix ans à M. de Puisieux pour faire une balourdise qui vaille celle-là. Quant au roman de la Campagne, je conviens qu’il faut avoir bien du temps de reste pour le perdre avec ces livres-là ; mais enfin j’aime encore mieux le plat naturel de ce roman que la morale raffinée et façonnée de la marquise de Crémy et de sa religieuse.

M. de La Grange, que je n’ai pas l’honneur de connaître, a traduit de l’anglais un autre roman intitulé Histoire de miss Indiana Dauby. Deux volumes in-12, formant ensemble plus de cinq cents pages. Ce roman, qui est en forme de lettres, n’a pas fait plus de fortune que le précédent.

— Les traductions multipliées de romans anglais ne font pas tarir pour cela nos auteurs originaux. M. S. de C.[1] : vient de publier l’École des pères et des mères, ou les Trois Infortunées,

  1. L’abbé Sabatier de Castres.