Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/209

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Ici, Ésope arrive à Cythère au commencement de la pièce. Il sent bien qu’il y fera un personnage assez ridicule ; cependant il entrevoit que, moyennant ses fables, il pourra être de bon conseil. Mme Laruette, en Amour, reçoit M. Ésope-Caillot avec beaucoup de bonté, et, après lui avoir chanté quelques airs qui ne signifient rien, elle le quitte en lui permettant d’exercer sa profession à Cythère. Alors on voit arriver successivement une bergère coquette, un berger amoureux et langoureux, un paysan jaloux et brutal, pour demander conseil. Ésope renferme son conseil dans une fable qu’il chante, à quoi celui qui consulte répond par un remerciement, et termine la scène par un duo dans lequel il se promet de faire comme Ésope lui a conseillé, tandis que celui-ci lui répète qu’il faut faire comme il lui a dit. Voilà la marche uniforme de toutes les scènes, et elle aurait suffi pour faire siffler la pièce, sans la dernière scène, qui tient elle seule plus de la moitié de la pièce. Dans cette scène, on voit arriver l’Opéra français en vieux seigneur romain, chevelure grise, l’air blême et mourant, mais toujours avantageux, appuyé sur une petite canne, accompagné de Thalie en habit de deuil. La figure de Laruette en Opéra français a fait la fortune de la pièce. Cet acteur n’a proprement qu’une manière pour jouer tous les différents rôles dont on le charge ; mais sa manière est si plaisante qu’il est toujours sûr de réussir. Ici, le seigneur Opéra et la dame Thalie viennent consulter Ésope sur l’état fâcheux où ils se trouvent, état de langueur qui semble annoncer leur fin prochaine. Ésope parle longtemps à Thalie sans la reconnaître. Il est ensuite très-surpris de la voir dans cet état de dépérissement. Il demande de qui elle est en deuil. Elle répond : De Molière, et ce trait est applaudi un quart d’heure de suite. Le seigneur Opéra se refuse à tous les expédients de guérison qu’on lui propose, et dont le principal est de changer son récitatif. Il veut se tenir invariablement à son vieux système, et on lui prédit la mort. Après beaucoup de traits satiriques, l’Amour revient, et annonce les plus belles choses pour l’avenir ; et tous les acteurs se réunissent pour chanter des couplets et en chœur. Je doute que cette mauvaise pièce survive de beaucoup à la tragédie de Guillaume Tell.

On prétend que MM. Rebel et Francœur, directeurs actuels de l’Académie royale de musique, se sont donné beaucoup de