Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/227

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d’État, il a été censuré d’exagération avec quelque raison. On s’est moqué de ce cabinet solitaire où l’homme de lettres, méditant, a la patrie à ses côtés, la justice et l’humanité devant lui, avec quelques autres satellites qui n’ont pas échappé aux plaisanteries de nos agréables.

Le grand défaut de M. Thomas, c’est d’être toujours uniformément élevé. Il faut savoir ménager des repos dans un tableau ; il faut que des ombres fortes fassent sortir les clairs. C’est un art que J.‑J. Rousseau possède supérieurement. Il se repose, et puis il s’élance dans les nues avec une force qui entraîne tous ses lecteurs avec lui. Quand on ne sait pas ce secret, à force d’être sublime on devient emphatique et fatigant.

Je souhaite à M. Thomas un peu de cette simplicité qu’il vante tant dans les ouvrages de son prédécesseur, et il ne lui manquera plus rien pour être grand écrivain. Alors il ne nous parlera plus de ces crises violentes où les États se heurtent et se choquent ; il ne nous fera plus marcher au bruit de la chute des empires, il ne cherchera plus les moyens de donner aux lois du poids contre la mobilité du temps ; la correction du style même y gagnera, et ce soin fut toujours cher aux grands orateurs. Ainsi je ne voudrais pas lire : associé à vos assemblées ; je crois qu’il serait plus correct de dire : associé à vos travaux. Je ne crois pas qu’en parlant du cardinal de Richelieu, on puisse dire : Il vous fonda, messieurs. Il me semble qu’il fallait dire : Il fonda l’Académie.

L’éloge de M. d’Alembert a été prodigieusement applaudi. « Un roi, dit M. Thomas, appelle Socrate à sa cour, et Socrate reste pauvre dans Athènes. » Si ce trait est historique, il faut convenir qu’il est heureusement employé. J’avoue de bonne foi que j’ignorais que Socrate eût été appelé par un roi de Macédoine ; je ne me rappelle pas même le nom de ce roi Archélaüs, cité par M. Thomas comme contemporain de Socrate ; il faut que je rapprenne un peu mon histoire de la Grèce.

Quant à l’éloge de M. Hardion, auquel M. Thomas succède, je le regarde comme une gageure par laquelle l’auteur a voulu prouver qu’il n’y a point de sujet stérile pour un homme éloquent ; mais en conscience cet éloge est trop long. La simplicité du style de M. Hardion, que M. Thomas compare à la modestie de sa personne, était, en termes non académiques, la pure plati-