Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/236

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ses paroissiens de leurs inquiétudes déplacées. C’est un écrit plein de bon sens et véritablement populaire, tel qu’il en faudrait, sous un gouvernement éclairé, pour l’instruction du peuple sur tous les objets. Cela vaudrait bien un catéchisme rempli d’idées creuses. Si j’étais ministre, le curé de Rouvre aurait demain un bénéfice simple de six cents livres, en récompense de son Dialogue.


15 février 1767.

Milord comte de Clarendon est un seigneur anglais des plus qualifiés et des mieux accrédités à la cour. Pendant son séjour à la campagne, ce lord voit la fille d’un gentilhomme de ses voisins, appelé Hartley ; il en devient amoureux. Cette jeune personne, qui se nomme Eugénie, est en effet charmante de figure et de caractère, et bien capable d’inspirer une grande passion. Elle se trouve, dans l’absence de son père, sous la tutelle de sa tante, sœur du vieux Hartley, qui se propose d’en faire son héritière. Hartley a perdu sa femme, et il ne lui reste de son mariage qu’Eugénie et un fils, sir Charles, qui sert et qui est employé en Irlande. Si la beauté d’Eugénie a fait une impression sur milord Clarendon, les agréments de ce jeune seigneur n’ont pas échappé à la sensible Eugénie. Sa tante, de son côté, ambitieuse et vaine à l’excès, voit avec joie les commencements de cette passion. Bientôt milord Clarendon s’empare de son esprit, et la dispose à donner son consentement à un mariage secret qu’il projette. On profite de l’absence du père d’Eugénie ; et sa tante, qui connaît l’aversion de son frère Hartley pour les grands et pour la cour, exerce tout son crédit sur l’esprit de sa nièce pour la déterminer à disposer de sa main à l’insu de son père, et à épouser un homme pour lequel elle ne se sent que trop de penchant. Ce mariage a donc lieu ; mais milord Clarendon, quoique plein d’honneur et d’élévation d’ailleurs, est de ces gens qui croient qu’on peut s’en dispenser avec les femmes. Son ambition, peu d’accord avec sa passion pour la fille d’un gentilhomme obscur, ne lui permet pas de contracter un lien aussi redoutable et aussi indissoluble. Il fait travestir son intendant en ministre, et abuse Eugénie et sa tante par un faux mariage. Eugénie porte déjà dans son sein le fruit