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JUILLET 1767.

le prix de son engagement pour le faire sortir de prison ; mais aussi il faut qu’il s’embarque sur-le-champ. Ce n’est pas lui qui apprend à Toinette le service qu’il vient de rendre à son père ; au contraire, il le lui cache soigneusement ; mais le capitaine de navire qui est déjà venu allumer une pipe sur le théâtre au premier acte, et qui est précisément celui à bord duquel Toinon s’est engagé, découvre enfin toute l’histoire, et, touché de la générosité du jeune homme autant qu’il est indigné de la dureté du vieux coquin d’oncle, il rend au premier sa liberté sans rançon et couronne la tendresse des deux amants en faisant encore à Toinette par-dessus le marché un joli présent de noces. Je dis que si l’on avait donné ce canevas à M. Sedaine, il en aurait fait une fort jolie pièce. Il aurait d’abord donné du caractère et de la physionomie à tout ce monde ; et puis les scènes auraient été intéressantes, touchantes, plaisantes, comme il aurait juge à propos. Mais le peintre d’enseignes Desboulmiers est un homme sans ressource ; il n’a ni chaleur, ni sel, ni force comique. Je n’ai pas été fort émerveille de la musique de M. Gossec ; il est vrai que son pauvre diable de poëte ne lui a pas fourni une seule occasion de placer un air. C’est étouffer dans un homme toute idée que de l’obliger de faire toujours chanter ses acteurs à contre-sens, et sans que leur situation les sollicite à quitter le langage ordinaire pour celui de la passion. Ordre à M. Desboulmiers de renoncer à un métier qu’il sait si mal, et de s’embarquer en lieu et place de Toinon. À cette condition, le public a bien voulu accorder quelques représentations à Toinon et Toinette.

Le rôle du capitaine de navire a été joué par un acteur appelé Mainville, dont je n’ai pas encore eu occasion de vous parler. Ce jeune homme a débuté avec beaucoup de succès, il y a quelques mois. Il a une belle voix de basse-taille ; il est bien de figure, et il promet d’être un sujet de distinction avec le temps. On prétend que Mainville est fils de Caillot ; si cela est, on peut dire que c’est le digne fils d’un illustre père. Il est certain que Caillot le protège, et que le fils pourra remplacer le père dans la saison de la chasse que celui-ci aime avec fureur, et ou il a plus besoin de tuer les perdreaux et de courir les lièvres que d’amener le public au théâtre. On craint que